Le rêve américain ? La french education !
Le livre « Bébé made in France » de Pamela Druckerman, fait l’éloge de l’éducation à la française
Cessons donc de critiquer notre progéniture, d’appeler au civisme, de regretter les bons vieux codes de politesse… Depuis la sortie du best-seller d’une américaine à Paris, on ne tarit pas d’éloges, outre-atlantique, sur nos enfants modèles. Elle est belle, la jeunesse !
Paru au printemps dernier outre- Atlantique, French Children Don’t Throw Food (Les enfants français ne jettent pas leur nourriture), le livre de la journaliste américaine Pamela Druckerman vantant l’exception française dans le domaine de l’éducation des enfants a provoqué un immense engouement. Longtemps présent dans le Top 10 du New York Times et traduit en dix-huit langues, il nous arrive sous le titre Bébé made in France chez Flammarion, en librairie le 9 janvier. On est d’abord perplexe : notre éducation est-elle si enviable ? En quoi pouvons-nous être si différents des autres géniteurs de pays développés ? La démonstration de l’auteur, qui vit et élève ses trois enfants à Paris, est étonnante. Elle nous observe comme un anthropologue scruterait une peuplade préservée… Flattés mais lucides – le schéma de Pamela est très circonscrit aux Parisiens aisés –, nous avons mis nos pas dans ceux de l’auteur, et scruté le match France-États-Unis. Sommes-nous vraiment des parents modèles ?
« Les petits français font leurs nuits à 2 mois »… … et dorment fréquemment huit heures d’affilée dès la sortie de la maternité. Les Anglo-Saxons n’en reviennent pas de tant de chance, eux chez qui le sommeil sacrifié des jeunes couples est quasiment une cause nationale.
Quel est notre secret selon Pamela Druckerman, journaliste américaine, auteur de « Bébé made in France »?
L’observatrice américaine affirme que nous pratiquons spontanément la technique de la pause.
Un truc basique, qui consiste à ne pas se précipiter dès qu’un enfant semble réveillé. Là où la mère américaine arrache son bébé du berceau au moindre couinement, nous attendons de voir… Le petit agité se rendort souvent, quand le bébé secouru trop vite se réveille tout à fait et prend l’habitude de ces interruptions.
D’accord ou pas ? Qui a eu à la maison une amie new-yorkaise bondissant dès que son talkie-walkie vagit aura perçu son indignation face à notre flegme… Un vrai « gap » culturel : nous ne considérons effectivement pas que notre implication se mesure à notre précipitation brouillonne. Cela dit, des nourrissons qui dorment comme des souches à 15 jours, on n’a pas eu non plus…
« Ils préfèrent le bar sauvage grillé aux nuggets »
La scène est apparemment mystérieuse pour les Américains : des enfants sagement assis à la table familiale, voire au restaurant, et qui se régalent de mets – du poisson, des légumes verts ! – que beaucoup d’adultes yankees n’ingéreraient même pas sous la torture.
Quel est notre secret selon Pamela ? Une formule incantatoire expliquerait cette diversité alimentaire inouïe, notre : « Tu goûtes juste un peu ! », qui acte que nous comprenons qu’à 3 ans le brocoli passe mal. Mais refusons d’exclure des catégories entières d’aliments sous prétexte que l’on est petit. Les parents américains, eux, se soumettent en souriant aux diktats de leurs petits chéris.
D’accord ou pas ? La vision est un brin rétro fifties : si on veut être zen aujourd’hui, c’est plutôt pizza – sans champignons ni olives, surtout ! – pour tout le monde… L’épreuve du restaurant, à voir le nombre de monstres qui courent entre les tables, le dimanche, n’est pas gagnée ! Mais on parle bien sûr des enfants des autres : les nôtres, dignes descendants de foodistos, prennent évidemment de la pluma ibérique et du maroilles affiné dès qu’ils savent lire la carte…
« Ils disent toujours bonjour à la dame » Nous développerions une véritable obsession à ce sujet. Même combat pour le fameux « petit mot magique »… Le kid américain, lui, peut faire irruption ou arracher un cookie sans piper mot…
Quel est notre secret selon Pamela ? Le sujet est plus profond qu’il n’y paraît : s’attendre à ce qu’un enfant dise bonjour signifie que l’on reconnaît sa présence en tant qu’être social. Lui-même apprécie vite, en retour, d’être considéré comme une personne. Du coup, le petit Français sait aussi naturellement participer à une conversation, à table notamment, quand son homologue américain fait juste du bruit…
D’accord ou pas ? Le petit qui se tortille derrière les jambes de ses parents n’est, en effet, pas longtemps perçu comme « mignon » chez nous, y compris par ses grands-parents. Dans les familles BCBG, l’exigence est encore plus poussée : il s’agit de dire « bonjour madame ou monsieur », le vague « b’jour » comptant pour du beurre…
« Ils ne trépignent pas dans les lieux publics »
La colère homérique au parc ? Les crises de nerfs dans le bus ? Des cas rares, chez nous. Et ne suscitant aucune solidarité entre parents, au contraire…
Quel est notre secret selon Pamela ? Les parents américains concernés réfléchissent dès avant la naissance au modèle éducatif plus ou moins permissif auquel ils vont se référer (l’overparenting, l’hyperéducation, la kindergarchie…). Les Français n’ont pas ces états d’âme. D’où cette autorité « naturelle », vite perçue comme telle par leurs petits. Lesquels, autre mantra hexagonal, sont censés s’épanouir bien mieux quand il y a des règles et un cadre…
D’accord ou pas ? Il est vrai qu’il y a globalement beaucoup moins d’esclandres enfantins chez nous. En revanche, le philosophe de 5 ans s’exprimant haut et fort pour nous faire partager sa vision de la vie est un profil qui monte ! Et le syndrome du petit intéressant qui n’intéresse que ses parents gagas ne nous épargne guère…
« Ils savent s’amuser avec un vieux carton et un bolduc » Les enfants américains participent à des play groups formels où toutes les mères sont présentes. Et s’attendent à ce que leur père fasse du toboggan avec eux. Les nôtres savent se distraire seuls ou avec des congénères, pendant que nous prenons l’apéritif. Ils ne comptent pas sur nous pour les occuper tout le temps. Ni sur des jouets ultra-sophistiqués, ils ont de l’imagination, merci !
Quel est notre secret selon Pamela ? L’intime conviction qu’il y a le temps des « grands » et celui des « petits ». Et que ce n’est rendre service à personne que de sacrifier son existence d’adulte. La phrase culte de la mère française parlant de sa progéniture serait même : « Il faut les laisser vivre leur vie ! » Une attitude à la limite de la maltraitance aux États-Unis. Mais très valorisée en France, où les psys ne cessent de dire qu’on doit permettre aux enfants de « s’ennuyer un peu »…
D’accord ou pas ? Il y a effectivement encore beaucoup de gamins ravis de jouer cinq heures aux Playmobil sans la moindre intervention. Mais ils sont surtout capables de plus en plus tôt de nous emprunter nos tablettes, ce qui n’est pas pareil… Quant à la génération des trentenaires, toujours prêts à traîner leurs bébés partout, chez les amis ou au concert de rock (avec un casque antibruit, mais si !), elle laisse rêveur sur la pérennité de notre modèle ségrégationniste.
Source: Le Figaro Madame
Par Valérie de Saint-Pierre